"Passe derrière moi, satan" Marc 8,33

24ème dimanche du temps ordinaire de l'année B

Quand on lit cet Évangile, on se dit que ce pauvre Pierre avait bien des lacunes. Il fait une belle profession de foi ; il dit à Jésus : "Tu es le Messie." Mais, en fait, il est très loin d’avoir compris ce qu’est la mission de Jésus. Il imagine le Messie comme une sorte de superman venu pour venger le peuple d’Israël de ses humiliations. Et voilà que Jésus lui parle d’un Messie rejeté par les anciens et les prêtres (ce qui se faisait de mieux dans le peuple de Dieu), et finalement exécuté comme un malfaiteur.

Pierre n’est pas du tout d’accord, mais il ne veut pas faire de reproches à Jésus devant tout le monde… alors, il le prend par la manche et lui explique qu’il se trompe : qu’un Messie condamné à mort, cela n’a pas de sens.
La réponse de Jésus est très sévère : "Passe derrière moi, satan". En hébreu ce mot veut dire "l’adversaire" : celui qui se met en travers de la route et qui fait obstacle. C’est ce que fait Pierre : il se met en travers du chemin de Jésus; il veut l’empêcher d’accomplir sa mission. Il n’est plus dans son rôle de disciple qui écoute et qui suit. Jésus le remet à sa place de disciple : "Passe derrière moi … reprends ta place." Même si "satan" n’est pas ici un nom propre, c’est très sévère  !

La foi, c’est accueillir la parole du Christ : ce n’est pas faire un tri. Le mot "hérésie" est un mot grec qui veut dire "choix" : c’est faire un tri dans l’Évangile. Le mot "hérétique", qui n’est plus très à la mode, n’a jamais désigné quelqu’un qui rejette l’Évangile : c’est quelqu’un qui croit en l’Évangile, mais pas à cent pour cent. Il pense qu’il y a quelques petites choses à améliorer : il choisit.

Nous avons tous rencontré des gens qui nous disent : "J’ai ma foi à moi." On a envie de leur dire : "Hé bien, précisément, ce n’est pas la foi. On ne peut pas choisir  !" C’est la réponse que Jésus fait à Pierre : "Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes."
Le cas de Pierre n’était pas désespéré : il s’est converti, et finalement, il a entendu le message, et il est devenu le fondement de la foi de l’Église. Si quelqu’un nous dit : "J’ai ma foi à moi", on ne va pas l’accabler. On va le prendre par la main et l’aider à faire un bout de chemin.
C’est cela être apôtre, ou encore, être prophète. Ce qu’on appelle un prophète, dans le Nouveau Testament, ce n’est pas un homme qui vaticine, mais qui transmet fidèlement la parole du Christ. Cela ne consiste pas à répéter sans comprendre : cela demande du discernement, pour bien comprendre l’Évangile dans son contexte.

Mais comprendre, ce n’est pas choisir : ce sont deux attitudes radicalement différentes.
Être prophète (ou simplement croyant) c’est essayer de comprendre, précisément parce qu’on a le désir d’être totalement fidèle à l’Évangile. On veut le comprendre pour bien le transmettre.
Choisir, c’est très différent : c’est refuser tel ou tel enseignement de l’Évangile ou des lettres de saint Paul, et ensuite, chercher à tout prix à justifier son refus.

Ce que Jésus nous demande, c’est de renoncer à choisir. C’est la foi dans ce qu’elle a de plus élémentaire, mais ce n’est pas toujours facile : cela demande de s’en remettre à lui, ce qui est une conversion véritable.
C’est pourquoi il ajoute : "Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et l’Évangile, la sauvera."
La vie chrétienne n’est pas une croix continuelle : c’est la vie la plus heureuse qui soit, mais ce bonheur passe par une conversion et une foi qui s’en remet totalement à la personne du Christ.

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