Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu

Mercredi des cendres de l'année A

«Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu.»
En ce qui concerne le jeûne, les chrétiens d’aujourd’hui ne risquent pas d’avoir trop souvent un air abattu !
Mais je crois que l’Evangile que nous venons de lire s’applique à bien d’autres choses que les trois exemples que Jésus nous donne.

Ce sont trois exemples de gens qui font ce qu’il faut faire… mais qui ont un problème au niveau de la motivation.
Ce qu’ils font est très bien… partage… prière… jeûne… mais ils ont une façon de le faire qui dégoûterait plutôt de la religion !

La solution n’est pas de ne rien faire… si on ne fait rien… on n’est pas un disciple du Christ… et on ne témoigne pas de notre foi.
Rappelez-vous cette parole de Jésus : «Que votre lumière brille devant les hommes, pour qu’en voyant ce que vous faites de bien, il rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux.»
Ce n’est pas seulement avec des paroles qu’on peut être des témoins… mais aussi avec des actes… la foi ne doit pas être une affaire purement privée… il faut qu’elle se manifeste.

Simplement, l’Evangile de ce soir nous précise qu’il y a la manière de faire… et cette manière de faire est révélatrice de nos intentions profondes… et, en général, les gens ne s’y trompent pas.
Etre un homme de prière… c’est bien… que ce soit la prière personnelle dont parle cet Evangile : ferme la porte… ton Père est là dans le secret… ou la prière commune comme celle qui nous réunit ce soir.
Quant au partage (ce que l’Evangile appelle “l’aumône”)… c’est quasiment un devoir de justice pour les privilégiés que nous sommes.

Et je suis sûr que chacun d’entre nous pourrait trouver une quantité d’autres choses… de belles choses… qu’on fait pour le service de Dieu… qu’on fait pour les autres… dans la vie professionnelle… communale… dans la paroisse… au service des plus pauvres… des personnes âgées ou des malades… ou pour annoncer l’Évangile.
Et dans chacune de ces activités, il y a un certain danger… c’est de se mettre en avant… On oublie que c’est un service, et on risque d’afficher un peu trop nos mérites.

Et quand on fait l’éducation des enfants… on essaye de leur apprendre la modestie… quand ils sont un peu trop fiers d’avoir fait je ne sais quoi… quand ils essayent de se rendre intéressants… on relativise un peu leurs mérites… on fait celui qui n’a pas entendu.

Mais sur ce point, il y a des adultes qui ne sont pas très différents des enfants… et qui peuvent avoir tendance à se mettre en avant.
Ils peuvent faire des choses admirables… que ce soit de la générosité, du dévouement au service des autres… mais cela nous met un peu mal à l’aise … On se dit qu’un tel dévouement devrait être désintéressé.
Ce qui n’est pas anodin : donner un contre-témoignage, c’est empêcher un frère de faire la rencontre du Christ.

Prenez n’importe quel exemple de quelque chose de bien… une chose faite pour les autres… si elle faite avec discrétion et simplicité : cela nous remplit d’admiration.
Mais la même chose exactement, faite avec un certain étalage de ses mérites… cela vous coupe l’admiration !
Et je crois que tout le monde réagit comme ça… même sans connaître l’Evangile… Cela relève de notre nature humaine.

Et donc Jésus nous rappelle une des constantes de la nature humaine.
Il nous invite à agir… à être des témoins… à être une lumière qui brille devant les hommes de façon à les attirer vers Dieu… mais à le faire avec modestie… parce que si on le fait sans modestie, on risque de le faire sans amour… et du coup on n’est plus une lumière qui attire, mais plutôt un répulsif qui fera fuir tout le monde.

L’amour est le grand commandement… il ne remplace pas les autres… il implique tous les autres… et on peut dire qu’il les “informe” !
Ce qui manifeste l’amour c’est ce qu’on fait pour les autres… le service … le partage… la disponibilité.
Mais il y a le risque de continuer à faire les choses en oubliant que c’est par amour… et les choses deviennent creuses… “informes”… et tout le monde s’en aperçoit… Jésus nous met en garde !

Prière… temps donné à Dieu… Ton Père est là dans le secret… temps de la rencontre de Dieu.
Ce temps qui est donné à Dieu, est un temps doit être donné par amour … autrement cela ne tiendra pas !

On peut d’ailleurs se poser une question :
Cette prière qui est une rencontre de Dieu… qui est un coeur à coeur avec notre Père… Pourquoi est-elle vécue comme un sacrifice ?
Sans doute parce qu’on n’est pas très doué pour aimer !

Aimer peut être la plus grande joie… mais cela peut être également un sacrifice de soi.
Celui qui accepte d’aimer… mais uniquement quand cet amour lui apporte quelque chose… on peut dire qu’il n’aime personne… ou plutôt qu’il n’aime que lui !

Certains vous diront qu’ils prient… ou qu’il participent à l’Eucharistie… mais seulement quand ils en ressentent le besoin.
Peut-on dire qu’ils aiment vraiment ?
Des parents qui n’aimeraient leur enfants que dans les moments où ils en ressentent le besoin, tout le monde admet qu’ils seraient des monstres.

Donner son temps, c’est sans doute donner ce qu’on a de plus précieux.
Si on ne veut pas donner son temps… si on ne veut rien sacrifier… pour faire la rencontre, dans le secret, de Dieu notre Père… comment prétendre qu’on l’aime par dessus tout ?

Les sacrifices indispensables, ce sont tous ceux qu’on fait par amour… ceux qu’exige l’amour… ceux qu’on ne peut pas refuser sans que ce soit un manque d’amour.

Entrer dans la prière n’est pas toujours facile… cela exige un vrai renoncement… un renoncement à ce qui nous occupe ou nous accapare dans cet instant donné.
Une fois qu’on est entré dans la prière, la rencontre de Dieu peut être un grand bonheur… et, en ce sens, le temps du Carême n’est pas un temps de tristesse… c’est un temps pour vivre ce bonheur.
Mais, pour cela, il faut relativiser ses petites affaires… et prendre le temps de le rencontrer.

Jésus nous dit : “Convertissez-vous, parce que le Règne de Dieu s’est fait proche.”
Dieu s’est fait proche… ne vous privez pas du bonheur de l’aimer et de le rencontrer.

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