Evangelii nuntiandi - 22

80. Nous exhortons tous ceux qui ont à quelque titre et à quelque échelon la tâche d’évangéliser à alimenter en eux la ferveur de l’esprit (C’est le langage de Paul aux Romains : « D’un zèle sans nonchalance, d’un esprit fervent, servez le Seigneur. » Rom. 12,11). Cette ferveur exige tout d’abord que nous sachions nous soustraire aux alibis qui peuvent nous détourner de l’évangélisation. Les plus insidieux sont certainement ceux pour lesquels on prétend trouver appui dans tel ou tel enseignement du Concile.
C’est ainsi qu’on entend dire trop souvent, sous diverses formes : « Imposer une vérité, fût-elle celle de l’Évangile, imposer une voie, fût-elle celle du salut, ne peut être qu’une violence à la liberté religieuse. Du reste, ajoute-t-on, pourquoi annoncer l’Évangile puisque tout le monde est sauvé par la droiture du cœur ? » …
Ce serait certes une erreur d’imposer quoi que ce soit à la conscience de nos frères. Mais c’est tout autre chose de proposer à cette conscience la vérité évangélique et le salut en Jésus-Christ en pleine clarté et dans le respect absolu des options libres qu’elle fera …

À l’époque de cette lettre apostolique, ceux qui osaient parler d’évangélisation se faisaient accuser de prosélytisme. Evangelii nuntiandi a marqué un tournant : c’est le premier acte de la « Nouvelle évangélisation ».
Mais, par ailleurs, la situation de l’Église en Occident est plus grave que jamais. Il reste donc urgent de dénoncer les « alibis qui peuvent nous détourner de l’évangélisation »
Saint Paul enseigne que des hommes peuvent être sauvés sans connaître la révélation de la loi de Dieu… à condition, toutefois qu’en agissant selon leur conscience, ils mettent en pratique cette loi de Dieu. (cf. Rom. 2,5-14)
Il ne semble pas que ce soit le cas de figure le plus habituel.
Jésus a ces paroles : « Entrez par la porte étroite. Large est la porte et spacieux le chemin qui mène à la perdition … étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie. » (Mt 7,13-14)
Ni saint Paul ni l’Évangile ne disent que « tout le monde est sauvé par la droiture du cœur », parce que la droiture du cœur, qui est déjà difficile aux croyants, est plus difficile encore à ceux qui vivent dans l’ambiance actuelle de corruption encouragée par les médias et par la législation :

Et pourquoi seuls le mensonge et l’erreur, la dégradation et la pornographie, auraient-ils le droit d’être proposés et souvent, hélas, imposés par la propagande destructive des mass-media, par la tolérance des législations, par la peur des bons et la hardiesse des méchants ? Cette façon respectueuse de proposer le Christ et son Royaume, plus qu’un droit, est un devoir de l’évangélisateur.

Il va de soi qu’imposer l’Évangile ne servirait à rien : on ne peut pas sauver quelqu’un malgré lui. Il est évident qu’évangéliser c’est proposer, mais il est urgent de proposer la parole et la personne du Christ.
Le testament spirituel de Jésus, que ce soit selon saint Matthieu ou selon saint Marc, est un appel solennel à annoncer l’Évangile :
« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. » (Mt 28,19-20)
Pourquoi cette urgence d’évangéliser ? Parce qu’ « il ne suffit pas de dire : Seigneur, Seigneur ! pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7,21)
« Et il leur dit : Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toutes les créatures. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui refusera de croire sera condamné. » (Marc 16,15-16)
On peut interpréter ces paroles autant qu’on voudra, mais on ne peut pas les édulcorer au point de leur faire dire que l’évangélisation est facultative.

Gardons donc la ferveur de l’esprit. Gardons la douce et réconfortante joie d’évangéliser, même lorsque c’est dans les larmes qu’il faut semer …
Et que le monde de notre temps qui cherche, tantôt dans l’angoisse, tantôt dans l’espérance, puisse recevoir la Bonne Nouvelle, non d’évangélisateurs tristes et découragés, impatients ou anxieux, mais de ministres de l’Évangile dont la vie rayonne de ferveur, qui ont les premiers reçu en eux la joie du Christ, et qui acceptent de jouer leur vie pour que le Royaume soit annoncé et l’Église implantée au cœur du monde.

Si certains acceptent de jouer leur vie pour le Règne de Dieu, pourquoi d’autres ne donneraient-ils pas quelques heures par semaine pour guider leurs frères vers le salut : pour qu’ils fassent la rencontre du Christ et puissent répondre à sa tendresse ?
Dieu peut sauver des hommes qui ne savent pas qu’ils sont pardonnés et adoptés comme fils : c’est un amour non partagé. Mais ceux qui connaissent la Bonne Nouvelle peuvent vivre une relation interpersonnelle et répondre à cet immense amour : ils vivent une relation filiale avec le Père de l’univers, et fraternelle avec le Christ.

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