Abraham (Genèse 12 à 25) - 2

Frères et sœurs, on a vu, dans les récits de la création, que la cohérence entre les cosmologies n’intéressait pas les auteurs bibliques. Dans l’histoire d’Abraham, on voit que l’historicité n’est pas leur premier souci. Il y a cependant des points de contact avec l’histoire du proche orient… ainsi, la tradition biblique fait venir Abraham de la ville d’Ur, non loin de l’embouchure de l’Euphrate. La ville existait déjà au troisième millénaire et les noms d’Abraham (ou Abram), Isaac et Jacob, sont originaires de cette région. Par la suite, ils sembleront si exotiques que personne d’autre ne les portera dans l’Ancien Testament.

A propos du nom d’Abraham, le texte biblique contient un épisode riche de signification théologique… puisque Dieu change son nom :
“On ne t’appellera plus du nom d’Abram. Ton nom sera Abraham, car je te fais père d’une multitude de nations.” (Gn.17,5)
Ce changement de nom exprime un changement de vocation (presque de personnalité) : c’est un appel de Dieu à devenir le fondement de son peuple choisi.
Dans l’Évangile Jésus agit comme Yahvé avec Abram : il donne un nom nouveau à Simon, pour qu’il devienne le fondement du nouveau peuple de Dieu : la Pierre ou le Roc qui rendra son Église indestructible.

Avec ces récits souvent remaniés et parfois surprenants, il faut procéder à la façon de Saint Paul, et retenir les perles que nous offre le texte biblique… des paroles lumineuses qui marquent toute l’histoire de la révélation divine. La semaine dernière on a lu cette parole :

“Yahvé dit à Abram : Sors de ton pays, de ta parenté, de la maison de ton père, vers le pays que je te ferai voir…
Abram partit, comme Yahvé le lui avait dit.” (Gn.12,1-4)

A nous aussi, Dieu demande de partir… il nous demande de partir vers un pays qu’il veut nous faire voir !
Ce pays est mieux qu’une terre promise… c’est le pays que Jésus appellera le royaume ou le règne de Dieu.
Ce règne de Dieu qui est un trésor sans prix… un trésor pour lequel il faut être prêt à tout donner (Mt.13,44-46).

Le Dieu pour qui Abraham a tout quitté annonce également le “Dieu jaloux” qui se manifestera à Moïse : un Dieu qui demande tout et qui ne veux pas que son peuple adore les autres dieux !
Et Abraham lui donne tout… il accomplit par avance cette parole de Jésus : “Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.” (Mt.6,21)

On retiendra enfin que Dieu se manifeste à Abraham comme son Dieu personnel… un peu comme le dieu Ea était le dieu personnel d’Outa-Napishtim. Dans le monde polythéiste de l’ancien orient, les hommes religieux choisissaient parmi tous les dieux du panthéon celui qu’ils considéraient comme leur dieu personnel.
Chacun le voyait comme un dieu proche et amical pour lequel il avait une dévotion particulière, et qui, en retour, protégeait son fidèle et prenait soin de lui.

Abraham était évidemment polythéiste (on verra que Moïse le sera encore, quelques siècles plus tard), mais il n’aimait vraiment qu’un seul Dieu. Yahvé était son dieu personnel : il l’aimait et se savait aimé de lui, et il était prêt à tout quitter pour faire sa volonté.
D’ailleurs, quand Yahvé se manifestera à Moïse, ce sera encore comme le Dieu (personnel) d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob. (Exode 3,6)

Ainsi, on voit qu’en se manifestant dans l’histoire, Dieu s’est révélé d’abord comme un Dieu personnel, attentif et bienveillant.
C’est longtemps après Abraham, avec Elie, Isaïe et les récits de la création, que les fils d’Israël comprendront que Yahvé est unique et qu’il est le Créateur de tout l’univers.

La foi en un Dieu unique et tout puissant ne sera plus remise en question dans l’Ancien Testament.
Mais ceci étant acquis, l’Évangile reviendra aux origines, en mettant l’accent sur le Dieu proche, qui aime chacun d’un amour particulier.
La transcendance du Créateur étant un acquis de l’Ancien Testament, Jésus revient à l’essentiel : la révélation de son Père et notre Père, qui est proche et bienveillant, et qui attend, avant toute chose, notre réponse à son amour… un Dieu qui nous aime d’un amour intense, et que chacun peut rencontrer dans la prière : “Toi, quand tu veux prier, entre dans ta chambre, ferme la porte, et ton Père est là dans le secret.” (Mt.6,4)

Que Dieu notre Père vous comble de sa tendresse.

JCP

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