Le Concile de Jérusalem

Frères et sœurs, je vous invite à relire le chapitre 15 du livre des Actes des Apôtres, et la lettre aux Galates (2,1-16) qui relatent les circonstances et les décisions du premier Concile de l’histoire de l’Église.
Les Juifs de la Diaspora (les “hellénistes”) étaient moins attachés que les Juifs “hébraïsants” de Palestine aux rites de purification et ils toléraient, dans leurs synagogues, les “craignant-Dieu” (des païens non circoncis).
Les hébraïsants refusaient de fréquenter des non-circoncis impurs !
Ces oppositions se retrouvent dans l’Église, entre les chrétiens affranchis du légalisme et les “judéo-chrétiens” (les hébraïsants convertis), qui refusent de partager l’Eucharistie avec des chrétiens non circoncis.
Il n’est pas toujours facile de distinguer la Tradition qui vient du Christ (la révélation confiée à l’Église), et les traditions humaines (les croyances et les pratiques, propres à telle époque ou à tel pays).
Même lorsque ces traditions humaines sont compatibles avec la foi, il va de soi que l’Église a le pouvoir de les réformer ou de les remplacer.
Mais la circoncision est plus qu’une tradition humaine : dans la Première Alliance, c’est le rite qui incorpore au Peuple de Dieu… et les judéo-chrétiens, en particulier les pharisiens convertis (Ac 15,5), ne peuvent pas concevoir qu’on puisse être sauvé sans être circoncis.
Il a fallu l’inspiration, l’audace et le génie de Paul, lui-même pharisien et docteur de la Loi, pour oser remettre en question une telle institution.
A ce sujet, il rappelle aux Galates que rien ne peut donner un droit au salut, pas même l’observance de la Loi de Moïse… il n’y a pas d’autre Sauveur que le Christ : “ce n’est pas en observant la Loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ.” (Ga 2,16). “Justifiés (sanctifiés, sauvés) par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ.” (Rm 5,1)
Celui qui observe les Commandements et recherche la sainteté n’acquiert pas un droit : il fait de son mieux pour accueillir la grâce (le don gratuit du salut)… et il ne peut, finalement, que s’en remettre à l’amour du Christ, et lui dire : “Seigneur Jésus, tu connais ma vie… tu sais ce que j’ai fait au service de l’Évangile… tu connais aussi mes faiblesses et mes infidélités… et, si tu veux, tu peux me sauver… je m’en remets à ta tendresse.”
A Antioche, des missionnaires Judéo-chrétiens venus de Jérusalem enseignent que la circoncision est nécessaire au salut (Ac 15,1).
Sûrs de posséder la vérité, ils refusent d’entendre Paul et Barnabé.
La communauté ne voit pas d’autre issue au conflit que le recours aux Apôtres : ils sont la seule autorité qui puisse trancher.
Paul et Barnabé sont donc envoyés à Jérusalem (Ac 15,2)… ils racontent aux Apôtres et aux Anciens leur action missionnaire auprès des païens (Ac 15,6). Pierre, comme au temps de Jésus, prend la parole en premier. Il est l’autorité suprême.
Il rappelle qu’il a été le premier Apôtre des païens.
Le premier, il expose la doctrine du salut par la foi (c’est-à-dire : par le Christ) (Ac 15,9)… qui sera reprise et développée par saint Paul.
Jacques, évêque de Jérusalem et “frère (parent) du Seigneur”, qui est le représentant des Judéo-chrétiens, admet qu’on ne doit pas imposer la circoncision aux païens convertis. Il leur demande seulement, pour ne pas choquer leurs frères Juifs, d’observer quelques règles de l’ancienne Loi  : consignes purement pastorales qui tomberont en désuétude : deux interdits alimentaires et un autre concernant le mariage.
“L’Esprit Saint et nous-mêmes, nous avons en effet décidé de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables.” (Ac 15,28)
Le texte impose trois interdits rituels, mais sa valeur tient à ce qu’il n’impose pas : la circoncision et toutes les autres observances du judaïsme. “L’Esprit Saint et nous-mêmes”… la formule montre que les Apôtres ne doutent pas de l’autorité qu’ils ont reçue du Seigneur.
Comme tous les Conciles à venir, ils savent que Jésus a promis l’Esprit Saint à son Église, pour qu’elle transmette fidèlement son Évangile.
Paul raconte sa venue à Jérusalem dans la lettre aux Galates (2,1-10).
La mission reçue du Christ ne le met pas en marge de l’Église : il sait que, sans l’approbation des Apôtres, il aurait “couru en vain” (Ga 2,2).
Jacques, Pierre et Jean, “colonnes” de l’Église, reconnaissent le charisme de Paul pour l’évangélisation des païens, et sont en communion avec lui.
Quelque temps après, Pierre, lui-même, vient à Antioche (Ga 2,11).
Il fréquente les païens convertis et prend ses repas avec eux, comme il l’avait déjà fait avec le centurion romain Corneille (Ac 11,3).
Mais pendant ce séjour, arrivent également des judéo-chrétiens “de l’entourage de Jacques” (Ga 2,12) qui refusent de partager la table des chrétiens incirconcis… et Pierre les imite !
Paul estime que Pierre est “blâmable” (Ga 2,11), et il le compromet en public : “Tu vis en païen et tu voudrais forcer les païens à vivre en Juifs.”
Cela ne veut pas dire qu’il conteste son autorité… cela signifie, au contraire, que cette réforme ne peut pas se faire sans son approbation.
Si Paul a une attitude provocante, c’est parce qu’il sait qu’il n’a pas, lui-même, le pouvoir de réaliser une telle réforme… Pierre seul le peut !
Paul l’oblige à prendre position et à tenir son rôle dans l’Église !
Il est vrai que Pierre n’était pas revenu sur la décision du Concile : il n’imposait pas la circoncision aux païens, mais son attitude aurait abouti à faire deux Églises séparées, ne partageant pas la même Eucharistie.
Quand l’évangélisation exige des réformes, il n’est pas facile de discerner ce qui relève de la foi et ce qui peut ou doit changer.
Pierre a hésité… Paul l’a aidé à se laisser conduire par l’Esprit.
Que Dieu vous bénisse… qu’il vous donne d’être missionnaires à la façon de Pierre et de Paul, et d’aimer l’Église comme il l’ont aimée.
JC.P.

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