“Jésus priait à l'écart” (Luc 9,18) - 2

Frères et sœurs, il y a des périodes de notre vie où la fidélité à la prière est plus difficile. Il arrive qu'elle soit ressentie comme une croix à porter.
Faut-il en conclure que Dieu nous demande de souffrir… et que la souffrance comme telle puisse “faire plaisir” à Dieu ?
Une certaine tradition “doloriste” pourrait le faire supposer… mais vous pouvez constater qu'elle n'a aucun fondement dans le Nouveau Testament.

La sainteté ou la fidélité à l'évangile suppose une certaine ascèse… mais uniquement dans la mesure où aimer peut être difficile… et peut aller, parfois, jusqu'au sacrifice de soi.
Aimer, c'est donner du temps : c'est donner un bien que nous regardons comme l'un des plus précieux.
L'amour fraternel consiste souvent à être disponible… et donc à donner du temps… sans donner l'impression d'être dérangé.
C'est une ascèse… et elle est véritablement évangélique… parce qu'elle est motivée par l'amour ou la charité.

Un certain nombre de chrétiens, dans le passé, ont pensé qu'il fallait un entraînement à l'ascèse, consistant à se faire mal pour se faire mal.
Cherchez bien, et vous verrez qu'il n'y a rien de tel dans l'évangile.
Mais il existe une ascèse nécessaire… celle qui est liée à l'amour… celle qui est une condition de l'amour fraternel et de l'amour de Dieu.

Saint Paul nous révèle que l'ascèse la plus extrême est sans valeur, si elle est sans amour : “J'aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j'aurais beau me faire brûler vif, s'il me manque l'amour, cela ne sert de rien.” (I Cor 13,3)
Son enseignement est le reflet de l'évangile : jamais on ne voit Jésus se faire mal pour se faire mal !
Mais par amour, il est prêt à tout sacrifier et à donner sa vie.

“L'amour est patient… il est serviable… il ne s'emporte pas, il n'entretient pas de rancune… il supporte tout.” (I Cor 13,4-7)
Etre patient, c'est une ascèse… être serviable, ne jamais s'emporter, être totalement sans rancune, tout supporter… c'est un don de soi qui a vraiment du sens, parce que c'est de l'amour.

La prière étant, elle aussi, une rencontre d'amour, il n'est pas étonnant qu'elle exige le même don de soi que l'amour fraternel.
Comme l'amour fraternel, la prière consiste à donner du temps.
Elle aussi constitue le plus grand bonheur… et elle aussi exige le sacrifice de tout ce qui pourrait lui faire obstacle… et en premier le sacrifice de tous les faux prétextes et de toutes les soi-disant priorités qu'on peut inventer, avec une inventivité sans bornes… à partir du moment où on a décidé de faire la rencontre du Christ.

Dire “non” à toutes ces fausses raisons est évidemment une ascèse… mais c'est une ascèse qui, elle aussi, a vraiment du sens… puisqu'elle nous permet de mettre en pratique ce que Jésus appelle le premier et le grand commandement :
“Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?”
Jésus répond : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture – dans la Loi et les Prophètes – découle de ces deux commandements.” (Mt 22, 36-40)

Prier, c'est aimer Dieu… c'est le premier commandement.
On voit que cet amour de Dieu est indissociable de l'amour fraternel… mais cela ne doit pas nous faire oublier que l'amour de Dieu est premier : c'est la première chose que Jésus demande à ses disciples.
Dieu nous aime comme un Père… et ce qu'il attend de ses enfants, c'est qu'ils répondent à son amour.
La prière n'est pas autre chose.

Le seul cadeau que l'on puisse faire à Dieu… le seul qui compte à ses yeux… c'est que ses enfants prennent le temps de répondre à son amour.
Dieu nous a faits libres… et l'amour ne se commande pas. On peut le refuser à Dieu… et il ne peut pas nous l'imposer !
Il n'y a pas d'acte plus libre qu'un acte d'amour… et la vie éternelle sera l'amour en plénitude des personnes divines… la communion des Saints avec le personnes divines : “l'amour ne passera jamais.” (I Cor 13,8)
Prier, c'est entrer dès maintenant dans cette communion.

Que Dieu votre Père vous bénisse… qu'il vous remplisse de son Esprit d'amour.

JCP

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