Lettre  de Saint Paul aux Romains - 1

À Rome au Ier siècle, sur 1 million d’habitants, il y a environ 20.000 Juifs.
Cette colonie homogène et puissante compte plus de 20 synagogues.
Lors de son premier séjour à Corinthe (en 50-53), Paul avait rencontré Aquilas et sa femme Priscille, des Juifs convertis qui venaient d’être expulsés de Rome (en 49-50) par un décret de l’empereur Claude (Act.18,2). Suétone écrit : « Il (Claude) expulsa les Juifs de Rome, car sous l’influence d’un certain Chrestos, ils provoquaient une agitation continuelle. »
Le décret sera partiellement appliqué et vite rapporté.  En 57, Priscille et Aquilas, revenus à Rome font partie des destinataires de la lettre, et une église (une communauté) se réunit chez eux (Rom. 16,3-4). 
Une partie de la communauté juive de Rome était donc convertie au christianisme avant la venue de Paul. 
Plan de la lettre aux Romains
Prologue :  1,1-15
La Loi ancienne et le salut donné par le Christ : 1,16 - 11,36
Ni les païens, ni les Juifs n’ont droit au salut : 1,18 – 3,20
C’est le Christ qui sauve et sanctifie (justification par la foi) : 3,21-31
Abraham a été justifié (par la foi) antérieurement à la Loi : 4
Au règne du péché et de la Loi, succède le règne de l’Esprit : 5,1 - 8,39
Le rôle d’Israël, son infidélité passagère : 9,1 - 11,36
Applications pratiques à la vie de la communauté : 12,1 - 15,13
Conclusion et salutations : 15,14 - 16,23
Tous les hommes sont pécheurs (1,18 - 3,20)
L’injustice (c’est-à-dire le péché) rend la vérité divine inaccessible (1,18). Grecs et Romains sont un monde débauché. Pour légitimer leurs passions, ils ont fait violence à la loi naturelle, et sont devenus inaptes à reconnaître la vérité.
Ils sont inexcusables : alors que le spectacle du monde est un signe de l’existence de Dieu (1,19-20), ils ne l’ont pas adoré ni remercié (1,21).
Suit une liste de péchés que “Dieu déclare dignes de mort” (1,25-32).
La vie éternelle suppose la persévérance à bien faire (2,7). Qu’on soit Juif ou Grec (tous les hommes autres que les Juifs), le seul critère est de faire le bien et ne pas commettre le mal (9-10).
Si un païen met en pratique la Loi de Dieu, sans la connaître, sa conscience (2,15) lui tient lieu de Loi (2,14). Un homme peut donc être sauvé sans être chrétien, mais pas sans faire le bien. La Loi de Dieu est donc une condition du salut (qu’on la connaisse ou non par la révélation), mais pas une condition suffisante, car le salut est une grâce : un don gratuit (3,24).
Contre les judéo-chrétiens qui veulent imposer aux baptisés la circoncision et tous les interdits du judaïsme, Paul enseigne que ce n’est pas l’homme qui se sauve lui-même en observant de la Loi, c’est le Christ qui sauve.
Il écrit : «Nous estimons en effet que l’homme est justifié (sauvé, sanctifié) par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi.» (Rom. 3,28)
Luther (1483-1546) traduira : «Tu vois comme le chrétien est riche ; même en le voulant  il ne peut pas perdre son salut par les plus grands péchés, à moins qu’il ne refuse de croire. L’incrédulité mise à part, il n’y a pas de péchés qui puissent le damner.» (De captivitate babylonica, 1520)
Cette théorie luthérienne du salut par la foi seule est une mauvaise interprétation de ce passage (Rom. 3,28), séparée de ce qui précède.
On a vu que Saint Paul, comme l’Évangile, a bien précisé que ce sont nos “actions” mauvaises (2,2-3) qui nous condamnent.
En fait, la foi qui sauve, ce n’est pas la simple croyance… c’est la foi, par laquelle on reconnaît le Christ comme le seul sauveur, et c’est aussi la confiance et l’amour par lesquels on s’en remet à lui.
Le mot “foi”, chez Saint Paul, a plusieurs sens : la foi qui sauve, c’est la foi avec l’amour… mais quand il distingue “foi” et “amour”, il précise que c’est l’amour (la charité), et non pas la foi, qui peut sauver :
«Quand j’aurais la foi la plus totale : celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.»  (I Cor. 13,2)
Abraham. Pour montrer qu’il n’a pas inventé le salut par la foi, Paul cite l’Ancien Testament : “Abraham eut foi en Dieu, et cela lui fut compté comme justice.” (Gn. 15,6) : Abraham a été justifié (c’est-à-dire sauvé) par sa foi, alors que la Loi de Moïse n’existait pas encore !
Il faut se souvenir que Paul ne s’est pas converti du péché à la vertu, mais du légalisme pharisien à la liberté chrétienne.
Ce n’est pas la Loi qui sauve… c’est le Christ qui sauve et sanctifie. Il n’y a pas de droit au salut. Dieu ne nous doit pas le salut en vertu de nos œuvres, mais si nos œuvres sont mauvaises nous faisons obstacle au salut.
“Personne n’est justifié par les œuvres de la Loi (ce que produit la Loi)” (3,20). La Loi ne suffit pas à procurer le salut : c’est le Christ qui donne le salut… mais l’infidélité à la Loi peut empêcher le salut.
C’est pourquoi saint Paul disait un peu plus haut : “ceux qui mettent en pratique la Loi sont justifiés” (2,13).
Accueillir le salut avec amour, comme un don gratuit, ne peut pas nous dispenser de mettre en pratique la Loi que Dieu lui-même nous a donnée !
Ce qui rejoint une parole de saint Jean : «L’amour de Dieu consiste à garder ses commandements.» (I Jn 5,3)
La parabole de l’aide au développement peut éclairer ce sujet !
Un bienfaiteur fait don d’un équipement complet… et ensuite, il envoie régulièrement l’argent nécessaire à son fonctionnement !
Si les bénéficiaires font tout ce qu’ils peuvent, le projet ne peut que réussir … mais, s’ils ne font rien, tous ces dons seront gâchés.
Dieu nous a donné une nature et des facultés, et ensuite, il ne cesse de faire grâce… mais si l’homme ne fait rien, cette grâce est gâchée.
Accueillir la grâce, c’est mettre en œuvre toutes les facultés que Dieu nous a données… relisez la parabole des talents (Mt 25,14-30) (cf. Lc 17,10).
Frères et sœurs, Paul nous invite à nous tourner vers le Christ avec amour et lui dire : “Seigneur, je n’ai aucun droit, mais toi, si tu veux, tu peux me sauver !”
JC.P.

Retour aux archives